Le vieillissement de la population est un enjeu majeur des territoires, aujourd'hui et dans les prochaines décennies. La part des personnes âgées s'est accrue rapidement depuis une dizaine d'années, modifiant ainsi les pyramides des âges des territoires. La Normandie n'échappe pas à cette tendance lourde.
Appartenant au « croissant fertile français », cette zone qui couvrait les territoires du Nord-Ouest de l'hexagone et se caractérisait par une forte natalité avec des structures de population plutôt jeunes par rapport au reste de la France, la Normandie a longtemps été considérée comme une région jeune, qui a été épargnée par le vieillissement de sa population jusqu'à la fin des années 1990. Au passage dans la décennie suivante, les comportements démographiques ayant eu tendance à suivre ceux du reste de la France, la natalité a baissé, les taux de fécondité également. Parallèlement à cette évolution, la mortalité a poursuivi sa baisse entamée depuis près de 20 ans, grâce aux progrès médicaux et sociaux. Durant cette même période, les enfants du baby-boom sont arrivés à l'âge de la retraite et sont donc venus gonfler les effectifs des classes d'âges âgées de plus de 60 ans. A ces évolutions classiques et prévisibles, se sont ajoutés de nouveaux comportements qui ont favorisé le gonflement de cette classe d'âge en Normandie, les migrations de retraite. Ces arrivées de jeunes retraités animées par des envies de retour au pays ou d'accès à un meilleur cadre de vie au moment de la retraite sont venus alimenter cette classe d'âge des plus de 60 ans. La Normandie et la Bretagne sont, au Nord de la Loire, les deux régions qui ont enregistré le plus de migrants retraités depuis le début des années 1990 avec en moyenne entre 3 000 à 4 000 nouveaux arrivants chaque année.
L'évolution de la classe d'âge des plus de 60 ans fait apparaître deux Normandies ; elles sont le reflet de deux trajectoires démographiques longtemps différentes qui ont tendance, aujourd'hui, à se confondre. L'ancienne région haut-normande se caractérisait par des comportements démographiques plus dynamiques que sa voisine. La natalité y était plus élevée, la fécondité également et la population plus nombreuse. Elle ne connaissait que très peu les flux de migrants retraités. Globalement, la Haute-Normandie du croissant fertile présentait peu de signes de vieillissement jusqu'au début des années 2000. Dans l'ancienne Basse-Normandie, la situation était quelque peu différente. Certains territoires présentaient dès le début des années 1990 des signes avant-coureurs de vieillissement. La part des personnes âgées augmentaient régulièrement dans les territoires ornais, la natalité était en baisse et les migrations de retraite venaient augmenter les effectifs des plus de 60 ans dans les territoires ruraux et le long des littoraux. La Manche affichait également les premiers signes de vieillissement de sa population alors même que le Calvados, dynamisé par la métropole caennaise restait plutôt jeune. Cette évolution différenciée des deux anciennes régions normandes se retrouve encore aujourd'hui dans la comparaison de leurs départements.
Le vieillissement de la population n'est plus en cours ou à venir, il est installé. Tous les départements normands ont connu une hausse de la part des plus de 60 ans dans leur population totale.
En 2013, la Normandie compte 839 235 personnes âgées de plus de 60 ans, contre 489 764 en 1982, soit une croissance de près de 71,4 % en 30 ans. Alors que cette classe d'âge représentait un peu plus de 16 % de la population régionale, elle représente aujourd'hui plus de 25 % de la population normande, soit un habitant sur quatre. Compte tenu des évolutions différentes des deux anciennes régions normandes, les disparités sont fortes et ce sont même accentuées au fil des ans.
Ainsi, dans l'ancienne Haute-Normandie, en 1982, on comptait près de 257 800 personnes âgées de plus de 60 ans, contre 434 473 en 2013. Avec une croissance de près de 68,5 % entre ces deux dates, les plus de 60 ans représentent aujourd'hui près de 23,5 % de la population totale, soit bien en deçà de sa voisine bas-normande. Les deux départements, Eure et Seine-Maritime ont toutefois connu des évolutions bien différentes ; dans l'Eure, la croissance de cette classe d'âge a été très importante avec près de 87 %, passant de 72 872 personnes âgées en 1982 a 136 147 en 2013, soit 22,9 % de la population totale du département.
En Seine-Maritime, l'évolution a été moins importante, les personnes âgées représentent 23,5 % de la population totale contre 15,6 % en 1982. Toutefois, c'est aujourd'hui le département normand qui compte le plus de personnes âgées de plus de 60 ans avec 298 321 personnes.
En comparaison de l'ancienne Basse-Normandie et de ses départements, le vieillissement est moins accentué. En effet, la région bas-normande a connu une évolution rapide de la classe d'âge des plus de 60 ans avec une augmentation de près de 74,5 % du nombre d'individus entre 1982 et 2013, passant ainsi de 231 964 habitants à 404 762 soit 27,4 % de la population totale. Là encore, les situations départementales sont très contrastées. Le Calvados compte aujourd'hui quelques 174 512 personnes de plus de 60 ans, soit 25,3 % de sa population totale, contre 91 328 en 1982. C'est le département qui a connu la plus forte croissance de cette classe d'âge en Normandie, soit 91,1 % de hausse en 30 ans. Cette forte croissance s'explique à la fois par l'arrivée à la retraite des classes d'âges du baby-boom et par l'installation dans le département de nombreux retraités migrants, particulièrement dans les stations balnéaires de la Côte de Nacre.
En 2013, dans le département de la Manche, les plus de 60 ans représentent 28,8 % de la population totale, soit 144 239 personnes contre 86 788 en 1982. Ce département a enregistré une hausse de 66,2 % entre 1982 et 2013, soit la seconde plus forte croissance de cette classe d'âge dans les départements normands. C'est plus particulièrement entre 1999 et 2013 que la hausse a été forte, avec un gain de près de 25 %. Ces chiffres et cette forte augmentation de la part des plus âgés en Manche place le département parmi les plus vieilli de la zone, il était même en tête des départements vieillissants dès 1982 avec 18,7 % de sa population âgée de plus de 60 ans. Trente ans plus tard, le phénomène n'a fait que s'accentuer, alimenté par l'arrivée à l'âge de la retraite des enfants du baby-boom et des migrations de retraite nombreuses particulièrement sur la côte ouest du département, autour du bassin granvillais, alimentées par des retours au pays. Mais la situation est loin d'égaler le département voisin de l'Orne. Dans ce dernier, le vieillissement n'est pas une nouvelle tendance, mais s'inscrit dans le droit fil des observations faites depuis ces trente dernières années. Dès 1982, le département connaissait les premiers signes de vieillissement de sa population. La part des plus âgés était déjà conséquente en comparaison des autres départements voisins avec près de 18,2 % de la population. Le département a perdu de la population, les soldes migratoires sont négatifs depuis plusieurs recensements. Les jeunes quittent le département. Les naissances sont en baisse et le renouvellement de la population ne se fait plus. Seuls les flux de migrants assurent la croissance démographique, et ces flux sont constitués majoritairement de retraités migrants, qui viennent eux-mêmes gonfler les effectifs de plus de 60 ans. Le vieillissement ne peut que s'accroître et cette hausse a atteint 52,7 % entre 1982 et 2013. Les plus de 60 ans, au nombre de 86 011 individus représentent aujourd'hui 29,8 % de la population totale du département. Un Ornais sur presque 3 est âgé de plus de 60 ans. L'Orne est le département le plus vieilli de la région.
Dans cette région Normandie, comme dans les autres régions françaises de l'hexagone, le vieillissement de la population est une réalité.
Longtemps épargnée par cette tendance lourde, l'ex région Haute-Normandie n'est plus à l'abri et les premiers signes de vieillissement de la population sont bien identifiables, même si les deux départements, Eure et Seine-Maritime conservent une confortable avance sur la voisine bas-normande qui a vu le phénomène s'accentuer dans tous ces départements, le Calvados tirant avantageusement son épingle du jeu de part la présence de la métropole caennaise, réservoir de jeunes et moteur du dynamisme démographique régional. Deux départements sont particulièrement vieillis, la Manche et l'Orne. Ces évolutions vont se poursuivre. Le phénomène de vieillissement va peser sur la structure de la pyramide des âges régionale qui va peu à peu s'évaser à son sommet, l'allongement de la durée de vie bénéficiant avant tout aujourd'hui aux grands âges, c'est-à-dire au-delà de 80 ans. Les centenaires sont d'ores et déjà plus nombreux. On estime à l'échelle nationale que la part des plus âgés devrait atteindre 11,8 % de la population française en 2040. Le solde naturel français devrait également s'abaisser pour devenir négatif dans de nombreuses régions françaises. Les rapports entre classes d'âges jeunes et âgées vont s'inverser, ils le sont déjà pour nombre de communes de la région, et plus encore le rapport entre classes d'âges actives et plus âgés va se modifier, il y aura alors moins d'actifs par retraité qu'aujourd'hui. Ces changements démographiques vont impacter toutes les sphères de notre société, au cœur même des territoires, tant économiquement, politiquement que socialement et culturellement.